Il garde en souvenir une photo jaunie,
Un vieil instantané serré contre son cœur,
Datant d'un autre temps, témoin d'une autre vie,
Qu'il n'oubliera jamais mais cache par pudeur.
On attendait de lui, à son retour d'enfer
Un récit détaillé, presqu'une confession,
Personne ne comprit qu'il préférât se taire,
On prit pour de l'orgueil son vœux de discrétion.
Comment leur expliquer qu'il était mort là-bas,
Qu'il ne reviendrait plus, victime de l'horreur ?
Privé de son essence, il n'était qu'un corps las
Sans autre volonté que de fuir la douleur.
Quand il ferme les yeux, il revoit leur visage,
Il lui semble parfois percevoir leur parfum.
Il cède quelquefois à l'attrait du mirage,
Oubliant un instant leur funèbre destin.
Il caresse du doigt leurs traits presque effacés,
Et se laisse emporter par leurs tendres murmures,
Un sourire enfantin sur ses lèvres gercées,
Semblable aux garnements qui rêvent d'aventures.
C'est ainsi que la Mort est venue le cueillir,
Plus serein que jamais, pleinement détendu,
Entre ses doigts noueux, son précieux souvenir,
Impatient de revoir ceux qu'il avait perdus.