Il était une fois... aurait-elle eu envie de commencer ses mémoires ; mais elle trouvait la formule peu adaptée au début de son récit. Il lui semblait qu'elle avait vécu tellement de choses, dont elle mélangeait parfois la chronologie, qu'elle ne se souvenait pas du commencement, d'une expérience précédent et transcendant toutes les autres et qui aurait déterminé clairement le chemin qu'elle avait ensuite emprunté. Elle en avait suivis tellement ! Il y avait eu tellement de premières fois, de répétitions, d'aller-retour, d'aller sans retour. Comment aurait-elle pu démêler ce qui, entre tout, l'avait amené là où elle en était aujourd'hui, avait forgé la femme qu'elle était devenue, avec son lot de forces et de faiblesses ? Impossible ! Elle s'était construite au cours de toutes ces découvertes, ces expériences, ces réussites et ces échecs qui, aujourd'hui encore, lui faisait tant de mal lorsqu'elle se les remémorait.
Quand elle regardait en arrière, elle avait l'impression d'avoir 100 ans. Quand elle parlait de son vécu, contait aux autres ce qu'elle avait connu, traversé au fil de ce demi-siècle, elle avait elle-même du mal à croire à une telle diversité. Elle parvenait à rire de certains souvenirs tandis qu'elle égrenait les mots comme certains versent des larmes pour évoquer les autres. Une fois lancée, des anecdotes lui revenaient, en appelaient une suivante. Elle avait parfois besoin de faire une pause dans son récit avant d'enchaîner sur une nouvelle vague de souvenance. Il lui arrivait quelques instants d'oublier qu'elle avait un auditoire et son regard semblait contempler les images que ses auditeurs s'étaient représentées au fil de son histoire. Puis de nouveau elle rejoignait son public, le gratifiant d'un sourire tantôt triste, malicieux ou empreint de gravité ou d'un petit rire impromptu, comme un pied de nez à cette vie qui l'avait souvent malmenée.
Il était une fois...aurait-elle eu envie de terminer, une femme heureuse d'avoir enfin trouver le bon chemin et la sérénité à laquelle elle aspirait tellement...
Cette après-midi, une femme nous a fait quelques confidences sur son histoire, sur sa vie. J'ai écouté, en silence, n'osant pas trop interrompre le fil de sa pensée. Je l'ai observée et les mot ci-dessus se sont écrits presque tous seuls.